Sandra

Sandra

Ce sont des jeunes très forts !

Texte: Laure Derenne - Photos: Frederic Pauwels, Virginie Nguyen

Quand Sandra entend parler de l’initiative « We Welcome Young Refugees », elle pense d’abord : « Mais c’est pas possible, qu’est-ce qu’on me demande ici ? » Peur de ne pas savoir y faire avec « ces gens », peur de ne pas être à la hauteur et puis, franchement, « pourquoi aller chercher si loin alors qu’il y a déjà tant de misère ici ? » Et pourtant, aujourd’hui, elle rêve de convaincre d’autres clubs de suivre le mouvement : « Tout le monde pourrait faire un p’tit truc, c’est tellement simple ! »

Sandra travaille tous les soirs à la buvette de Kraainem. En journée, elle s’occupe des repas de sa mère, malade, dont elle prend soin. Elle aborde souvent le projet « We Welcome Refugees » avec sa famille et veille à transmettre ses valeurs de solidarité à ses trois filles qui l’accompagnent souvent au club de Kraainem.

Tournée croque-monsieur pour les gamins

Dans les buvettes de clubs sportifs, on s’attable avec les copains et on profite ! À Kraainem, c’est Sandra qui régale. Ce soir, elle prépare des croque-monsieur, le plat préféré des « gamins ». Avec une grosse couche de ketchup : « Faut que ça coule bien ! »

Sandra met tout en place pour que les MENA (mineurs étrangers non accompagnés) de passage profitent de leur soirée au club. « Tarrrtine ! », « Cheese ! », réclament ceux qui ont déjà goûté à ses croque-monsieur. Pendant son service, Sandra discute et rit beaucoup avec eux.

« Je n’aime pas trop dire les réfugiés’. Je dis toujours mes gamins », explique celle qui attend avec impatience de découvrir qui sera là aujourd’hui. Le mercredi après-midi, ce sont les enfants du centre de Rixensart qui sont accueillis. Chaque mardi et vendredi soir, des jeunes, de passage dans le centre Fedasil de Woluwé-Saint-Pierre, viennent se joindre aux entraînements des U21. Certains sont déjà venus, d’autres découvrent les lieux et puis il y a ceux qu’on ne reverra plus, qui ont déjà changé de lieu d’accueil. Sandra pense souvent à eux, à ce qu’ils deviennent.

Entre Sandra et Fofana, des liens très forts de confiance et d’amitié réciproque se sont tissés. Sandra a tout de suite repéré le bon niveau de foot lorsque Fofana est arrivé pour la première fois : « Il y a un de ces poulains sur le terrain ! », a-t-elle crié au président du club. Depuis, elle suit avec attention les projets de Fofana et se montre d’un grand soutien matériel et moral.

Ne penser qu’à jouer au foot, parler, s’amuser

C’est qu’ils sont jeunes ces gamins, et ont déjà un « trop lourd passé ». Sandra avait bien une vague idée de ce qu’endurent les migrants mais c’est autre chose d’échanger directement avec eux. « Certains me montrent le trajet qu’ils ont fait, sur leur téléphone. Quand tu pars sans pouvoir dire au revoir à ta mère, qu’on te prend ton argent, qu’on te frappe, que tu traverses la mer dans un petit bateau … Moi, je n’aurais plus confiance en personne. Ce sont des jeunes très forts », explique-t-elle.

 

Chaque soir, Sandra est là pour nourrir les invités. Sa spontanéité, sa chaleur humaine, sa simplicité viennent à bout de toutes les barrières. Elle trouve toujours le mot pour briser la glace et provoquer de grands éclats de rire, même chez les plus timides. « J’aimerais que pendant chaque soirée au club, même si ce n’est que pour quelques heures, ces gamins puissent s’évader. Ils ne doivent penser plus qu’à une chose : jouer au foot, parler, s’amuser. »

Un jour, Sandra reçoit un dessin d’un des enfants du mercredi : « J’y suis représentée en maman africaine, en train de faire de la soupe dans un chaudron. » Elle pense émue aux mères « de là-bas ». D’une certaine manière, elle se sent connectée à elles : « Si mon enfant arrivait seul dans un autre pays, je serais contente qu’il puisse rencontrer des personnes qui l’accueillent et l’aident à reconstruire sa vie. »

Sandra a trois filles dont elle se sent très proche et qui viennent régulièrement l’aider à la buvette de Kraainem. Elle est ici avec Manon.

Sandra a gravé dans sa peau l’amour des siens : 4 points cardinaux qui représentent les prénoms de ses enfants et de leur père. Le T situé en-dessous correspond à Tigrou, son chien.

Sandra est très sensible à la cause animale et aimerait s’investir comme bénévole pour des refuges. Cinq fois par jour, elle promène son chien atteint d’arthrose, Tigrou. Le soir, elle l’emmène à Kraainem. C’est la mascotte, tout le monde aime le saluer ou jouer avec lui.