Mohammad

Mohammad

Le football, synonyme de liberté et d’insouciance

Texte: Laure Derenne - Photos: Johanna de Tessières

Mohammad (nom d’emprunt) est un « MENA » (mineur étranger non accompagné). Arrivé en Belgique, en pleine période Covid, ce jeune Afghan s’épanouit à toute allure. Son centre d’accueil à Overijse, son école bruxelloise et le club de Kraainem forment les trois piliers de son intégration.

Mohammad (nom d’emprunt) a fui l’Afghanistan pour des raisons de sécurité. Il séjourne dans un centre d’accueil pour MENA (mineurs étrangers non accompagnés) où il a découvert le football. Depuis, il vient apprendre à jouer au club de Kraainem dès qu’il le peut.

Mohammad, 16 ans, arrive en Belgique en septembre 2020, après 5 mois de trajet au départ de l’Afghanistan. En plein Covid, la vie ne lui a jamais paru aussi paisible et libre : l’eau coule toute seule du robinet ; les gens parlent avec qui ils veulent et portent ce qui leur plaît, même des vêtements très originaux et colorés ; on mange quand on a faim et les mots « bombe » et « guerre » apparaissent davantage dans les manuels d’histoire que dans les journaux locaux. Après un bref passage dans un centre Fedasil francophone, Mohammad est envoyé à Overijse, dans un centre d’accueil pour MENA (mineurs étrangers non accompagnés). En quelques mois à peine, il peut tenir une conversation fluide en néerlandais. Le garçon prend l’école très au sérieux et mesure sa chance de pouvoir s’y rendre chaque jour, en plein cœur de Bruxelles. Il rêve de devenir indépendant, dans le secteur de l’électricité ou de l’architecture, et entamera bientôt une formation en alternance.

La découverte du football

C’est au centre Fedasil d’Overijse que Mohammad découvre le foot : en Afghanistan, le sport national est le cricket. Sur le terrain qui jouxte le centre, une soixantaine de résidents se relaient pour profiter d’un peu d’air et improviser des matchs. Un partenariat avec le club de Kraainem permet à une bulle hebdomadaire de sept personnes (en alternance) de s’évader un soir pour bénéficier de vrais cours.

Quand Mohammad débarque sur le grand terrain du club, il est impressionné par la complexité du foot : « Dribble », « Passe », tente-t-il de répéter tout en s’essayant aux mouvements. Comme dans de nombreux domaines, le jeune homme progresse très rapidement.

Un groupe de MENA (mineurs étrangers non accompagnés) est venu d’Overijse pour suivre un cours de football. Le club de Kraainem est connu pour compter de multiples nationalités. Son projet « We Welcome Young Refugees » a déjà permis à plus de 2500 (candidat·e·s) réfugié·e·s de participer à des entrainements, matchs et tournois au sein du club.

Son accompagnatrice du jour, Amelia, le regarde évoluer sur le terrain avec enthousiasme. C’est un soulagement pour elle de pouvoir compter sur un club comme Kraainem. Les périodes de confinement, dans un centre de 65 jeunes, n’ont pas été de tout repos. Chaque possibilité de sortie est une aubaine, à la fois pour l’espace de détente bien nécessaire, mais aussi pour créer des ponts avec la société belge.

L’insouciance le temps d’un soir

L’été arrivant, les MENA ne seront bientôt plus à l’école en journée. Mohammad adore dessiner et peindre. Son assistante sociale essaie de lui trouver un stage dans le domaine mais ce n’est pas facile. Il y a d’abord l’organisation à gérer : les déplacements, le manque d’accompagnateurs, le coût éventuel, les barrières linguistiques et les contraintes de cette période Covid. Mais le problème numéro 1, c’est de convaincre des gens d’accueillir des réfugiés : « Les MENA ne peuvent pas prendre des contacts et se présenter facilement par eux-mêmes. Tout passe par notre intermédiaire, par des mots, des procédures. Aux yeux des employeurs ou des lieux d’accueil, ça rend déjà les choses compliquées. Alors que s’ils pouvaient juste rencontrer ces jeunes directement … ». Amelia s’interrompt, avant de reformuler sa phrase : « Alors que ces jeunes sont si incroyables ! On a juste envie de les adopter ! ».

Mohammad revient de son entraînement tout sourire et file se changer. Lui aussi sait que ses projets d’avenir se heurteront à un principe de réalité : quelle sera la suite réservée à sa procédure d’accueil ? Sera-t-il confronté à de nombreux préjugés ? Croisera-t-il des personnes prêtes à lui donner sa chance et à lui faire confiance ? Une chose à la fois. Pour l’instant, Mohammad vient de passer une heure bénie, loin de tous ses soucis.

Une photo en compagnie de son accompagnatrice ? Bien sûr ! Les rires fusent. Tous deux prennent la pose face au terrain mais l’image qui reste, c’est celle de les voir s’éloigner bras dessus, bras dessous, complices, joyeux et insouciants, le temps d’un soir.