De son enfance, Mohamed, dit Fofana, garde la mémoire des parties de foot, sur la terre battue des rues de Conakry. Son parcours de migration l’a mené jusqu’en Belgique, où il a tout de suite trouvé de nouveaux coéquipiers, sur les terrains de Kraainem.
De Conakry à Kraainem
Mohamed, plus souvent appelé Fofana, grandit en Guinée-Conakry. Suite à plusieurs événements, une décision s’impose : il doit quitter son pays. L’Afrique et l’Europe sont hantées par des milliers de jeunes morts en Méditerranée mais Fofana se risque à faire la traversée.
Mohamed Fofana, s’entraîne et réalise un exercice de gainage avec la deuxième équipe (P4) du Club de Kraainem, le 30 janvier 2020. Chaque mardi et jeudi, Fofana essaie de se rendre aux entrainements malgré parfois une longue distance entre le centre Fedasil où il réside et le club de foot.
Au moment d’embarquer au Maroc, à 22h, sur un canot avec plus de 50 passagers, il ne peut plus reculer : « Un monsieur nous a terrorisés avec son arme à feu. Il a fait sortir puis rentrer le chargeur de son arme et nous a dit : ’Vous voyez ? Celui qui ne reste pas tranquille : PANG PANG PANG ! Finish !’ ».
« C’était l’enfer ! » Fofana débarque en Europe, traverse la France et atterrit à la gare du nord, en Belgique, au CGRA, puis au Petit-Château et, enfin, à Fedasil Woluwé-Saint-Pierre. Dans les couloirs du centre, le fan de foot repère une affiche mentionnant les entraînements du club de Kraainem.
Après l’entrainement, le 15 octobre 2020, Fofana discute avec Aurélie, demandeuse d’asile venue du Cameroun.
La famille du foot
« We Welcome Young Refugees ». La bannière du projet flotte à l’entrée du club. Simple, efficace ! Sandra l’accueille la première. Il s’en souvient comme si c’était hier : « Quand on arrive de l’étranger, ce qui compte, plus que le matériel, c’est de pouvoir rencontrer des personnes avec qui partager notre vécu, avec qui on peut se sentir à l’aise et joyeux. » C’est exactement ce qui se passe avec Sandra. Elle l’écoute et le met en contact avec « Monsieur Laurent » : « Prési ! Venez écouter ce que ce gamin raconte ! ». Fofana intègre aussitôt les entrainements des U21 et est repéré, après quelques semaines, par l’équipe de P4.
Ailier droit, parfois attaquant, Fofana se sent « la personne la plus heureuse au monde » quand il est sur le terrain. Après l’entraînement, il aime passer du temps à la buvette avec ses coéquipiers : Salah, Mehdi, Dylan, Victor, Adam et les autres sont « comme des frères ». Un sentiment réciproque. Tous convergent : Fofana, c’est un gars enthousiaste et vif d’esprit, fiable, poli, curieux et à l’écoute, qui apprend vite … Sans compter qu’il s’y connait très bien en foot et qu’on se l’arrache dans les soirées quizz organisées par le coach !
Au mois de mars 2020, Fofana apprend qu’il doit quitter le centre Fedasil où il séjournait. En plein confinement, alors que toute l’Europe se paralyse, sa carte orange (titre de séjour temporaire) n’a pas été renouvelée. Fofana peut compter sur des amis pour l’aider à trouver un logement provisoire, en attendant que son dossier avance, avec l’aide d’un avocat.
31 juillet 2020. Fofana consulte ses messages dans la salle « wifi » du Petit Château à Bruxelles. Après un été difficile, il a enfin obtenu un recours pour sa demande d’asile en Belgique et loge au Petit Château en attendant qu’une place se libère dans un centre Fedasil.
L’ancrage bruxellois
Au fil de sa procédure de demande d’asile, Fofana change régulièrement de centre d’accueil. Il découvre parfois sa nouvelle destination le matin même d’un transfert, soulagé de recevoir une carte STIB (transports publics bruxellois) plutôt qu’un ticket de train pour Arlon ou Liège. C’est que Bruxelles la cosmopolite est devenue sa ville d’adoption, celle où il imagine son avenir.
Grâce à la Fondation Engie, partenaire du projet du Club, Fofana a pu s’équiper d’un ordinateur et suit actuellement une formation de développeur web, à la mission locale de Schaerbeek. Il y découvre le monde du codage et des algorithmes. Bientôt, il rejoindra une société pour y effectuer un stage de sept mois via l’association Becode, vouée à former « les talents numériques de demain ».
En pleine période de ramadan, Fofana a été invité à reprendre le chemin des entraînements à Kraainem, après la longue interruption liée à la Covid. Il n’a pas hésité une seconde, même si c’est un peu dur de tenir le coup physiquement. Le foot, l’équipe, Sandra, tout ça lui avait trop manqué !
1er août 2020. Fofana se rend chez un coiffeur situé près de la gare du Nord. C’est un ami du centre Fedasil de Zaventem qui lui a recommandé cet endroit Depuis lors il s’y rend une fois par mois.
Mai 2021. Fofana a décroché un stage en informatique en vue duquel il effectue une formation préalable à la mission locale de Schaerbeek. La majorité des cours ont lieu à distance mais Fofana peut venir tous les jours sur le lieu de formation pour bénéficier d’un espace calme. Il y est accueilli par « deux dames super sympas, qui m’aident beaucoup ».