Abdou

Abdou

La chaleur du foot

Texte: Laure Derenne - Photos: Frederic Pauwels

Abdou débarque en Belgique par une glaciale journée d’hiver. Depuis, il a appris à contrer le froid. Sur les terrains de foot ou en tant que futur soignant, ce jeune parvient toujours à réchauffer les coeurs.

5 mars 2020. L’équipe de P4 affronte les intempéries. Elle ne sait pas encore que ce seront ses derniers moments passés sur le terrain avant un long confinement.

Décembre 2018. Abdou se souvient de son arrivée à Bruxelles sous la neige. Dans le centre d’accueil pour les demandeurs d’asile « Petit-Château », des premiers liens se nouent. Un jour, Samir et Benjamin viennent présenter le projet « We Welcome Young Refugees » : ceux qui le souhaitent peuvent passer jouer au foot, dans les équipes de Kraainem.

Le jeune Tchadien saisit l’occasion. Il devient vite « copain avec toute la P4. Il est là à tous les entrainements et aux matchs, tout le monde le connait », affirme Sandra qui gère la buvette du FC Kraainem.

Malheureusement, les gestes barrière et la distanciation sociale s’imposent dans nos vies. La saison passe, les terrains restent vides. Abdou regarde avec nostalgie des vidéos dans son téléphone. Sur l’une d’elles, on aperçoit toute l’équipe célébrer une victoire par un chant d’animation sud-africain. Ça danse, ça crie de joie. Le rythme est marqué par des claquements de protège-tibias, utilisés comme instruments de percussion.

5 mars 2020. En vrai chauffeur d’ambiance, Mehdi entoure Abdou et fait rire tout le monde. Pour Abdou, le plaisir de se retrouver et de jouer ensemble compense la froideur de l’hiver. Il a trouvé de véritables amis au FC Kraainem.

4 octobre 2020. Abdou vient de jouer la première mi-temps d’un match contre Zaventem mais n’a pas été retenu pour la suite. C’est la déception, d’autant plus que l’adversaire égalise très vite en seconde mi-temps.

Apprendre à prendre soin, en pleine pandémie

En attendant de retrouver l’ambiance de la P4, Abdou poursuit sa sixième année d’études secondaires. C’est une enseignante qui l’a aiguillé vers l’option « aide familial » : « Il y a beaucoup d’opportunités de travail. De nombreuses personnes ont besoin de soutien et comme tu aimes aider les gens … »

En pleine pandémie, l’élève effectue trois stages, dans une école spécialisée et deux maisons de repos. Sa dernière évaluation en dit long sur son rapport aux autres : 92%. En notant ses découvertes dans son carnet de stage, Abdou évoque les rires du bingo, les confidences des personnes âgées et le fait qu’elles « prennent soin de moi autant que je prends soin d’elles ».

Mai 2021. Abdou prie comme chaque jour. La fin du ramadan approche. Même si c’est parfois dur physiquement, c’est l’occasion de se relier encore plus profondément aux valeurs qui animent Abdou : la connexion à l’autre, la solidarité, l’écoute et le respect.

Le foot, un terrain de tous les possibles

Régulièrement, Abdou se rend sur un terrain de foot du parc Maximilien, resté fréquenté en période Covid. On y croise les habitués et d’autres arrivants des quatre coins du monde. Le parc est situé à deux pas de la gare du Nord et de l’ancienne localisation du Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides.

Mai 2021. Abdou passe du temps au parc Maximilien où il croise beaucoup d’amis.

Au pied de la ligne de touche, des « migrants » déposent leur sac et leurs problèmes. Où qu’on soit, le spectacle d’un match de foot a quelque chose de captivant et de rassembleur. Quand Abdou vient ici, il met de côté ses difficultés et concentre toute son énergie sur le jeu. Son grand-frère l’appelle de temps en temps du Tchad pour lui rappeler son rêve de rejoindre un grand club : « Capitaine ! J’espère que tu continues le foot, il faut y croire ! »

Abdou y croit mais le mois de juin approche et c’est surtout sa réussite scolaire qu’il vise. Parce qu’on peut rêver de devenir footballeur professionnel et infirmier.

Abdou aime passer du temps dans la buvette du club de Kraainem après les entraînements. Sous le regard du capitaine, Victor, il joue avec la mascotte du club, Tigrou. « En général, j’ai peur des chiens mais avec lui, jamais. Il me connaît, vient me voir, cherche la balle. J’aime bien jouer avec lui ».